Le Mouvement Ultras au Maroc : Entre Passion, Rébellion et Controverse
Le mouvement ultras au Maroc est devenu, depuis le début des années 2000, un acteur majeur du paysage footballistique et socioculturel du pays. À travers chants, tifos spectaculaires et une organisation quasi-militaire, les groupes ultras ont su imposer leur marque dans les stades marocains, mais aussi au-delà, dans l’espace public. Ce phénomène, souvent controversé, mérite une analyse approfondie sur les plans historique, social, organisationnel et financier.
1. Genèse et Histoire du Mouvement Ultras au Maroc
Le concept des ultras est né en Italie dans les années 1960 avant de s’exporter progressivement en Europe et en Amérique latine. Au Maroc, il a émergé dans les années 2000 avec des groupes tels que les Winners du Wydad, les Green Boys du Raja, les Fatal Tigers du MAS, ou encore les Black Army de l’AS FAR. Ces groupes se distinguent par leur ferveur, leur créativité et leur engagement sans faille envers leur club.
Grâce à l’essor des réseaux sociaux et des plateformes de partage vidéo, le mouvement ultras marocain s’est structuré et professionnalisé, gagnant en visibilité internationale grâce à ses tifos et ses chants engagés qui dépassent parfois le simple cadre du football.
2. Fonctionnement et Organisation des Ultras
Hiérarchie et Leadership
Contrairement à une idée reçue, les groupes ultras ne fonctionnent pas de manière anarchique. Ils ont une organisation interne bien rodée, qui repose sur une hiérarchie structurée avec plusieurs niveaux de responsabilité :
• Le Capo (leader principal) : C’est le chef de file du groupe. Il est souvent celui qui dirige les chants et coordonne l’ambiance dans le stade. Sa position est basée sur son charisme, son expérience et sa capacité à fédérer les membres.
• Le Comité de Gestion : Un petit cercle de membres influents qui prennent les décisions stratégiques du groupe (relations avec le club, organisation des déplacements, logistique des tifos, finances…).
• Les Responsables de Secteur : Dans les grandes villes, un groupe ultra est souvent divisé en sous-groupes répartis par quartiers. Chaque secteur a son responsable, qui assure la communication avec le comité central.
• Les Membres actifs : Ils participent à toutes les activités du groupe, que ce soit la création des tifos, l’animation des tribunes ou l’organisation de voyages pour suivre l’équipe.
• Les Nouveaux membres : L’intégration dans un groupe ultra se fait progressivement. Les nouveaux doivent prouver leur engagement avant d’être acceptés comme membres à part entière.
Processus de Sélection des Leaders
Les leaders ne sont pas désignés au hasard. Ils émergent naturellement grâce à leur ancienneté, leur implication et leur influence. Dans certains groupes, la sélection peut se faire par un vote interne, mais la plupart du temps, c’est une reconnaissance tacite qui s’impose au fil des années. Un leader ultra doit :
• Avoir une connaissance approfondie de l’histoire du club et du mouvement ultra.
• Avoir du charisme et de l’autorité naturelle.
• Être capable de maintenir l’unité du groupe, même en période de tensions.
• Savoir communiquer avec les autorités et les dirigeants du club sans compromettre l’indépendance du groupe.
3. Financement du Mouvement Ultras
Les groupes ultras ne reçoivent généralement aucun soutien financier des clubs ou des sponsors, car ils tiennent à leur indépendance. Leur financement repose donc sur plusieurs sources :
1. Cotisations des membres
Chaque membre ultra actif doit verser une cotisation pour soutenir les activités du groupe. Ce montant varie selon les groupes et les responsabilités de chacun.
2. Vente de Merchandising
Les groupes ultras vendent leurs propres produits (écharpes, t-shirts, stickers, casquettes…) pour générer des fonds. Ces articles sont souvent marqués du logo du groupe et sont considérés comme un symbole d’appartenance.
3. Collectes et Dons
Des collectes sont souvent organisées, notamment avant les grands matchs nécessitant la préparation de tifos ou des déplacements à l’étranger. Certains fans, même s’ils ne font pas partie du groupe, participent en faisant des dons.
4. Autofinancement via des événements
Certains groupes organisent des événements privés (soirées, concerts, tournois de football) pour récolter de l’argent.
5. Contributions ponctuelles des anciens membres
Les anciens membres, qui ne sont plus actifs dans le mouvement mais qui restent attachés à leur groupe, contribuent parfois financièrement pour aider à financer les activités majeures.
4. Avantages et Impacts Positifs du Mouvement Ultras
Malgré les controverses qui les entourent, les ultras ont plusieurs impacts positifs :
• Animation et spectacle dans les stades : Les tifos et les chants font du football marocain l’un des plus vibrants du continent africain.
• Valorisation du patrimoine culturel : Les ultras utilisent souvent des références historiques et culturelles dans leurs animations.
• Engagement social et solidarité : Certains groupes ultras organisent des actions caritatives, des collectes de fonds et des campagnes de sensibilisation.
• Influence internationale : Grâce à la ferveur des supporters marocains, le pays s’est imposé comme une référence en matière d’ambiance dans les stades, ce qui a contribué à son image à l’échelle mondiale.
5. Controverses et Inconvénients
Malgré leur rôle positif, les ultras sont aussi associés à plusieurs dérives :
• Violences et hooliganisme : Les rivalités entre groupes ultras, notamment entre supporters du Wydad et du Raja à Casablanca, ont parfois dégénéré en affrontements violents.
• Vandalisme et dégradations : Certains matchs sont marqués par des actes de destruction d’infrastructures publiques et privées.
• Clash avec les autorités : Les forces de l’ordre considèrent souvent les ultras comme une menace en raison de leur organisation autonome et de leur discours contestataire. Cela a conduit à plusieurs interdictions de groupes dans le passé.
• Exclusion et marginalisation : La répression des ultras peut parfois renforcer leur radicalisation et leur isolement social.
6. Quel Avenir pour les Ultras au Maroc ?
Le mouvement ultras au Maroc est à un tournant. Face à la répression et aux tentatives de contrôle des autorités, certains groupes ont dû revoir leur mode de fonctionnement. Pourtant, leur influence reste intacte, et les stades marocains continuent d’être le théâtre d’un spectacle unique en Afrique.
Si un dialogue constructif est établi entre les autorités et les ultras, ces derniers pourraient jouer un rôle encore plus structurant dans la société marocaine, en canalisant leur énergie vers des projets citoyens et en contribuant positivement à l’environnement sportif et social du pays.
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