Coiffeurs au Maroc : La beauté à bout de souffle
Coiffeurs au Maroc : La beauté à bout de souffle
Dans les quartiers populaires comme dans les avenues chics, les salons de coiffure font partie du décor. Pourtant, derrière les miroirs étincelants et les outils bien rangés, le quotidien des coiffeurs marocains est loin d’être aussi glamour. Entre une concurrence acharnée, un pouvoir d’achat en chute libre, et des conditions de travail éprouvantes, ces artisans de la beauté tirent la sonnette d’alarme.
Un salon à chaque coin de rue : une concurrence déloyale ?
Dans les grandes villes comme Casablanca, Marrakech ou Tanger, difficile de marcher quelques mètres sans croiser un salon de coiffure. Cette prolifération des enseignes, souvent non régulée, est devenue un véritable casse-tête pour les professionnels du secteur.
« Aujourd’hui, je gagne à peine la moitié de ce que je gagnais il y a cinq ans », confie Hamid, coiffeur à Rabat depuis plus de 15 ans. « Entre les salons qui cassent les prix et la baisse de la clientèle, c’est de plus en plus dur de s’en sortir. »
Certains coiffeurs n’hésitent pas à proposer des coupes à prix cassés, parfois au détriment de la qualité. Une situation qui s’explique aussi par le manque de régulation et de soutien aux petites entreprises, laissant les coiffeurs livrés à eux-mêmes.
Pouvoir d’achat en berne : le superflu sacrifié
Avec l’inflation qui frappe durement les ménages marocains, les dépenses non essentielles, comme la coiffure, sont les premières à être sacrifiées. « Avant, mes clientes venaient toutes les deux semaines pour un brushing ou une coloration. Maintenant, elles viennent une fois par mois, parfois moins », explique Amina, gérante d’un petit salon à Casablanca.
Les coiffeurs, en première ligne, ressentent directement cet impact. Pour attirer une clientèle de plus en plus rare, certains multiplient les promotions, ce qui épuise encore plus leurs marges déjà maigres.
Fatigue physique et absence de couverture sociale
Derrière les ciseaux et les sèche-cheveux se cache une réalité moins reluisante : la fatigue. Debout toute la journée, répétant les mêmes gestes, les coiffeurs accumulent les douleurs musculaires et articulaires. « Parfois, je termine ma journée avec le dos complètement bloqué », raconte Fatima, coiffeuse à Fès.
La situation est encore plus critique pour ceux qui travaillent dans l’informel, sans aucune couverture sociale ni médicale. Bien que l’AMO (Assurance Maladie Obligatoire) ait été généralisée, beaucoup de coiffeurs restent en dehors du système. « On ne nous explique rien sur nos droits, et la plupart des patrons ne nous inscrivent pas à la CNSS », déplore Youssef, jeune coiffeur à Marrakech.
Face à ces défis, le secteur appelle à des mesures concrètes :
• Encadrer l’ouverture des salons : Une régulation plus stricte pourrait limiter la concurrence excessive et protéger les professionnels déjà établis.
• Soutenir les petits entrepreneurs : Par des aides financières ou des formations en gestion et en marketing.
• Renforcer la sensibilisation à la CNSS et à l’AMO : Pour inciter les coiffeurs à s’inscrire et garantir un minimum de protection sociale.
Pour ces artisans de la beauté, il ne s’agit pas seulement de sauvegarder un métier, mais aussi de préserver une tradition ancrée dans la culture marocaine. Sans soutien, ce secteur, qui emploie des milliers de personnes, risque de s’effondrer sous le poids des défis actuels.